Position de l’ITAA : Est-il obligatoire de mettre en place un canal anonyme, spécifique et indépendant pour signaler les infractions à la LAB au sein de tout cabinet ?

L’obligation de mettre en place un canal anonyme, spécifique et indépendant pour le signalement des infractions à la LAB (ci-après, le canal de ‘whistleblowing interne’) ne s’applique pas obligatoirement au sein de tous les cabinets. Le critère à prendre principalement en considération est celui de la garantie de l’anonymat lorsqu’un collaborateur du cabinet utilise le canal de whistleblowing’ interne.

Si la garantie de l’anonymat n’est, dans les faits, pas réalisable en raison de la taille du cabinet et/ ou de son mode de répartition des dossiers parmi les collaborateurs, le canal de whistleblowing interne perd de son utilité. Dans ce cas, le Manuel de procédures internes du cabinet précisera que la procédure auprès du Point de contact – Lanceurs d’alerte de l’ITAA remplacera l’obligation de mise en place d’un canal de whistleblowing interne au sein du cabinet.

Disposition légale applicable – article 10 de la loi du 18 septembre 2017 relative à la prévention du blanchiment de capitaux (ci-après, la ‘LAB’)

Un canal de whistleblowing interne doit être mis en place par les cabinets, dans le but de permettre aux membres du personnel et aux collaborateurs de signaler de manière anonyme à l’AMLCO ou au responsable au plus haut niveau des infractions commises au sein du cabinet aux obligations énoncées au Livre II de la LAB (c-à-d : les articles 8 à 65 de la LAB).

Ceci est expressément prévu par l’article 10 LAB dans les termes suivants ; ‘Les entités assujetties définissent et mettent en oeuvre des procédures appropriées et proportionnées à leur nature et à leur taille, afin de permettre aux membres de leur personnel ou à leurs agents ou distributeurs de signaler aux personnes désignées en application de l’article 9, par une voie spécifique, indépendante et anonyme, les infractions aux obligations énoncées par le présent livre.’

A la lecture de l’article 10 de la LAB et de l’exposé des motifs de la loi du 18 septembre 2017 relative à la prévention du blanchiment de capitaux, il apparaît qu’il faut tenir compte du principe de proportionnalité pour déterminer si un cabinet est tenu ou non de mettre en place en son sein un canal anonyme, spécifique et indépendant pour le signalement des infractions à la LAB :

‘L’article 10 du projet de loi transpose l’article 61, paragraphe 3, de la Directive 2015/849 et instaure l’obligation pour les entités assujetties de prévoir des mécanismes internes proportionnés à leur nature et à leur taille permettant aux membres de leur personnel et, le cas échéant, à leurs agents ou distributeurs, d’adresser au haut dirigeant responsable et à l’AMLCO des signalements d’infractions aux obligations de LBC/ FT qu’ils pourraient avoir constatées. Ces signalements internes doivent pouvoir être anonymes et adressés à leurs destinataires de façon spécifique et indépendante, ce qui impose qu’ils leur soient adressés directement et non en transitant par la voie hiérarchique. Il est souligné que, de même que pour l’application des articles 8 et 9 en projet, le principe de proportionnalité, ainsi que, par conséquent, les commentaires fournis ci-dessus à ce sujet trouvent également à s’appliquer en matière de procédures internes de signalement d’infractions.’ (Exposé des Motifs)

L’exposé des motifs nous renseigne également sur le fait que les signalements internes ne doivent pas transiter par la voie hiérarchique. Une des manières de respecter cette condition serait de nommer une personne de confiance au sein du cabinet, qui serait en charge de prendre connaissance des signalements d’infractions à la LAB.

L’obligation de mettre en place un canal de whistleblowing’ interne s’applique-t-elle au sein des cabinets unipersonnels ou des cabinets qui ne comportent qu’un seul collaborateur ?

L’ITAA et la CTIF se sont rencontrés pour discuter de l’interprétation à donner au principe de proportionnalité dans le cadre de la mise en place au sein des cabinets d’un canal de whistleblowing interne. L’ITAA et la CTIF se sont mis d’accord sur les principes suivants :

  • La mise en place d’un canal de whistleblowing interne doit être comprise en tenant compte du principe de proportionnalité lié à la nature et à la taille du cabinet. Les procédures internes du cabinet devront, le cas échéant, être adaptées en fonction de l’obligation ou non de mettre en place en interne un canal de whistleblowing.
  • Il ne peut être contesté que dans un cabinet unipersonnel, la mise en place d’un canal de whistleblowing interne n’aurait aucune valeur ajoutée dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
  • Dans les cabinets comportant un professionnel économique (qui exerce les fonctions de personne responsable au plus haut niveau et d’AMLCO) et un seul collaborateur, il n’y a pas davantage de sens à mettre en place un canal de whistleblowing interne car, par essence, l’anonymat ne peut pas être garanti dans un cabinet de 2 personnes.
  • Qu’en est-il du canal de whistleblowing interne au sein des petites structures à partir de 2 collaborateurs ?

Dans un cabinet qui comporte très peu de collaborateurs, les dossiers sont souvent traités par des personnes désignées et connues de la hiérarchie, ce qui a pour conséquence que l’anonymat ne pourrait pas être garanti.

L’ITAA a décidé que, dans ces conditions qui ont trait à l’organisation des cabinets, il est préférable que les collaborateurs et les membres du personnel puissent faire appel au Point de Contact Lanceurs d’alerte mis en place par l’Institut, conformément à l’article 90 LAB (en lieu et place du canal de whistleblowing interne).

Que faut-il indiquer dans le Manuel de procédures internes de votre cabinet ?

Si vous avez mis en place un canal de whistleblowing interne au sein de votre cabinet car l’anonymat peut être garanti

Le Manuel devra décrire la procédure à suivre par les membres du personnel et les collaborateurs qui souhaiteraient signaler une infraction aux obligations du livre II de la LAB au sein du cabinet. Par exemple, par le dépôt d’une lettre dactylographiée dans une boîte- aux-lettres déterminée au sein du cabinet ou par la création d’un compte email anonyme qui peut être utilisé par tout le monde.

Les notifications doivent pouvoir être faites anonymement. La personne en charge de traiter ces notifications les transfère, selon les cas, à l’AMLCO ou à la personne responsable au plus haut niveau (PRHN), qui prendra les mesures adaptées.

Si vous n’êtes pas tenu de mettre en place un canal de whistleblowing interne au sein de votre cabinet car l’anonymat ne peut être garanti

Dans les petites structures, un renvoi vers la possibilité d’utiliser le Point de Contact – Lanceurs d’alerte de l’ITAA devra être fait dans le Manuel de procédures internes pour autant qu’il puisse être prouvé que la mise en place d’un canal interne de signalement d’infractions à la loi antiblanchiment ne pourrait être efficace au sein du cabinet. Le critère à prendre en considération est, comme précédemment mentionné, la possibilité ou non de garantir l’anonymat du collaborateur qui utilise la procédure de whistleblowing interne. S’il est évident que l’anonymat ne peut pas être garanti dans une structure de 1 ou 2 personnes, cela pourrait également être le cas dans une structure de, par exemple, 5 personnes.

Il faudra alors expressément indiquer dans le Manuel de procédures internes de la petite structure que :

  • l’organisation interne du cabinet implique que si une plainte concerne tel dossier, l’AMLCO/ la PRHN pourra en déduire que celle-ci ne peut émaner que de tel collaborateur parce qu’il s’agit du gestionnaire du dossier. Si d’office, il est connu au sein du cabinet que la plainte vient de tel collaborateur, la protection de son anonymat ne pourra pas être assurée.
  • le collaborateur ou le membre du personnel pourra s’adresser directement à l’ITAA qui a mis en place un Point de Contact – Lanceurs d’alerte conformément à l’article 90 LAB.

En tout état de cause, l’utilisation du Point de contact – Lanceurs d’alerte doit se faire dans le respect des obligations de vigilance des entités assujetties. Ainsi, l’existence du Point de contact – Lanceurs d’alerte ne préjudicie en rien de l’obligation dans le chef de l’AMLCO de signaler les soupçons de blanchiment vis-à-vis d’un des clients du cabinet directement après de la CTIF. Cette déclaration à la CTIF est la voie à suivre afin de ne pas voir sa responsabilité éventuellement engagée pour participation à l’acte de blanchiment du client. La responsabilité des professionnels est, de manière générale, jugée avec davantage de sévérité par les tribunaux.

Un modèle de déclaration à la CTIF peut être trouvé sur le site de la CTIF en cliquant sur le lien suivant : https://www.ctif-cfi.be/index.php/fr/formulaire-de-declaration

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Axelle Dekeyser

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