Antiblanchiment : comment déterminer si mon client est une relation d’affaires ou un client occasionnel ?

Dans la pratique des cabinets, il subsiste beaucoup d’hésitations sur l’interprétation à donner à la notion de client occasionnel, alors même que la qualification de ‘client occasionnel’ permet en principe au membre de diminuer ses obligations administratives de vigilance en matière d’antiblanchiment. Quelques cas concrets sont repris afin de délimiter les contours des notions de ‘clients occasionnels’ et de ‘relations d’affaires’. L’ITAA recommande toutefois par prudence à ses membres de toujours procéder à l’identification de ses clients – même occasionnels – et des bénéficiaires effectifs de ceux-ci.

Existe-t-il une définition du client occasionnel ?

Ni la loi du 18/09/2017 relative à la prévention du blanchiment de capitaux (ci-après, la ‘LAB’) ni l’exposé des motifs de la LAB ne sont très explicites sur ce qu’il faut entendre par ‘client occasionnel’.

La question du client occasionnel se pose en termes différents selon le métier exercé par l’assujetti à la loi antiblanchiment. Or, la LAB comporte une liste étendue d’entités assujetties (établissements de crédit, intermédiaires d’assurances, avocats, notaires, agents immobiliers, …) et cette liste évolue avec le temps. Il n’est donc pas réaliste de proposer une définition précise de la notion de client occasionnel.

Définition de la relation d’affaires

Si la LAB ne contient aucune définition du client occasionnel, il existe en revanche une définition expresse de ce qu’il faut entendre par ‘relation d’affaires’.

L’article 4, 33° de la LAB définit ainsi la relation d’affaires comme une relation professionnelle ou commerciale nouée avec un client et censée s’inscrire dans une certaine durée, a) que cette relation d’affaires résulte de la conclusion d’un contrat en exécution duquel plusieurs opérations successives seront réalisées entre les parties pendant une durée déterminée ou indéterminée, ou qui crée des obligations continues; ou b) que cette relation d’affaires résulte du fait qu’en dehors de la conclusion d’un contrat visé au a), un client sollicite de manière régulière l’intervention d’une même entité assujettie pour la réalisation de plusieurs opérations successives”.

Il résulte de cette définition et de l’exposé des motifs de la LAB qu’une succession d’opérations occasionnelles peut également constituer une relation d’affaires (de fait).

Situations concrètes dans lesquelles il n’y aura pas de relation d’affaires mais seulement une opération occasionnelle 

Le critère principal pour déterminer si un client est occasionnel découle de l’article 4, 33° de la LAB et consiste à examiner concrètement si l’opération s’inscrit ou non dans la durée. Ainsi, pour qu’un client soit considéré comme occasionnel, il faudra se trouver face à une opération ponctuelle, nécessairement limitée dans le temps, et réalisée sans follow-up.
A titre d’exemples, il est évident qu’une relation d’affaires s’inscrit dans la durée et suppose que le client fasse régulièrement appel aux services du professionnel économique dans les cas suivants :

  • le dépôt d’une déclaration fiscale pour un même client tous les ans ;
  • l’intervention dans la tenue de la comptabilité

Par opposition, une opération occasionnelle ne vise qu’une opération ponctuelle pour un client qui n’est pas préexistant et nécessairement limitée dans le temps, comme, par exemple :

  • un assujetti TVA dépose régulièrement ses déclarations lui-même mais a besoin pour une fois d’assistance pour le dépôt d’une déclaration fiscale TVA en particulier. Il n’est pas un client existant et fournit les chiffres pour le dépôt de cette déclaration ponctuelle.
  • un conseil spécifique est demandé en matière comptable (comment activer un actif incorporel ? comment comptabiliser des stocks ?…)
  • l’évaluation de sociétés, lorsque l’intervention du professionnel se limite à ladite évaluation.

A noter que la condition du montant de l’opération qui ne peut pas dépasser 10.000 EUR doit également être respectée pour que l’on se trouve face à un client occasionnel.

Si le client est occasionnel, quelles sont les conséquences pour le membre ?

En ce qui concerne la lettre de mission

La rédaction d’une lettre de mission est une obligation impérative qui devra, en tout état de cause, être respectée, indépendamment de la question de savoir si le client est une relation d’affaires ou un client occasionnel.

Sur le plan de l’antiblanchiment

Disposition légale applicable : article 21, § 1er, 1° et 2°, a) LAB

« Les entités assujetties identifient et vérifient l’identité des clients :
  1° qui nouent avec elles une relation d’affaires ;
  2° qui effectuent à titre occasionnel, en dehors d’une relation d’affaires visée au 1° :
  a) une ou plusieurs opérations qui semblent liées d’un montant total égal ou supérieur à 10 000 euros »

Sauf soupçon de blanchiment, la LAB ne requiert donc pas l’identification et la vérification des clients effectuant à titre occasionnel une ou des opérations qui semblent liées entre elles et dont le montant total est inférieur à 10 000 euros.

Nous attirons votre attention sur le fait que dans l’hypothèse où une succession d’opérations liées entre elles est requalifiée par vous en relation d’affaires, l’identification et la vérification de l’identité du client est requise, même si la somme des opérations occasionnelles successives n’atteint pas 10.000 euros.

Recommandation de prudence de l’ITAA en cas de client occasionnel

Toutefois, du point de vue de votre responsabilité en tant qu’entité assujettie à la LAB et étant donné l’absence de clarté de la loi concernant la notion de client occasionnel et de montant de l’opération, l’ITAA recommande à ses membres de toujours procéder à l’identification de ses clients – même occasionnels – et des bénéficiaires effectifs de ceux-ci et de s’assurer qu’ils ne se trouvent pas face à une personne politiquement exposée.

Toujours dans l’optique de l’approche fondée sur les risques, si le client occasionnel représente un risque élevé (s’il s’agit d’une personne politiquement exposée, par exemple) ou si la transaction demandée semble atypique, une vigilance accrue doit être de mise et l’exception du client occasionnel ne pourra pas être invoquée pour justifier la diminution des devoirs de vigilance en matière de prévention du blanchiment de capitaux.

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Par auteur(s)

Axelle Dekeyser

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