Un mandat du client est-il exigé pour reprendre la mission d’un confrère ?

Par cette communication, nous souhaitons clarifier la pratique à appliquer lors du transfert d’un dossier à l’occasion d’une succession entre consœurs /confrères.

Votre intervention auprès de votre prédécesseur n’est pas seulement la suite logique de votre nouvelle mission chez le client, mais a nécessairement des conséquences sur la fin de la relation entre le client et ce prédécesseur.

Les conséquences de votre intervention auprès du prédécesseur peuvent être divisées en 3 parties différentes :

  1. Le transfert des documents du client.
  2. La signature de l’inventaire des documents transférés.
  3. La fin de la mission de votre prédécesseur.

Le transfert des documents du client

La loi du 17 mars 2019 relative aux professions d’expert-comptable prévoit l’obligation pour le professionnel de remettre les documents à la demande du client (art. 43)[1]. Il n’y a aucune mention explicite d’un rôle pour le successeur dans la demande et la remise des documents du client.

Toutefois, le Code de déontologie des experts-comptables prévoit expressément que le prédécesseur mettra tous les documents à la disposition de sa consœur / son confrère successeur (ou du client)  [2], de même que les directives sur les relations professionnelles entre les membres de l’IRE, de l’IEC et de l’IPCF. [3]

Dans l’attente du futur arrêté royal sur la déontologie, qui pourrait préciser davantage le rôle du successeur, l’ITAA est d’avis que la lettre de mission comprend, au moins tacitement, un mandat de demander et de recevoir les documents au nom et pour le compte du client.

Par conséquent, vous n’avez donc pas à présenter de procuration distincte ou spéciale au confrère si vous demandez également le transfert du dossier lors de la communication de votre succession à votre consœur / confrère.  Toutefois, vous devez indiquer dans votre courriel et/ou courrier à votre consœur / confrère que vous disposez du mandat requis en vertu de la lettre de mission que vous avez conclue avec votre client.

Dans ce cas, le prédécesseur doit vous transférer les documents immédiatement après que vous avez fait la demande de transfert.[4]

Il va de soi que le praticien professionnel, qui apparaît ici effectivement mandaté bien que ce ne soit pas (encore) le cas, s’expose à des poursuites disciplinaires. En outre, le client ou le prédécesseur peut déposer plainte à cet effet auprès de l’Institut.

Etablissement d’un inventaire des documents transférés

En ce qui concerne l’inventaire des documents, il convient de se référer aux dispositions des Codes de déontologie adoptés avant la loi du 17 mars 2019 et qui restent applicables[5].

Ces dispositions obligent le prédécesseur qui transfère les documents à une consœur / un confrère successeur doit dresser cet inventaire [6].

Vous pouvez le signer en votre qualité de confrère successeur, puisque les règles déontologiques vous y autorisent. En concluant la lettre de mission avec votre client, ces dispositions s’appliquent à vous en tant que successeur.

Si votre prédécesseur envoie les documents par voie électronique, votre acceptation de l’inventaire peut être envoyée par courriel. À cet égard, le simple accusé de réception ou la lecture du courriel ne suffit pas.

La fin de la mission du prédécesseur

La déontologie exige que vous informiez par écrit votre prédécesseur que vous reprenez le dossier [7]..

Cependant, la mise en œuvre de l’obligation déontologique de contacter le prédécesseur ne doit pas créer d’incertitude sur les modalités de la fin de la relation contractuelle entre le client et votre prédécesseur. La notification de la succession exige que le client soit au courant des conditions de résiliation dans la lettre de mission avec le prédécesseur.

1. Le respect d’un délai de préavis en faveur du prédécesseur

En pratique, vous conviendrez normalement d’un plan d’approche avec le prédécesseur concernant la poursuite de la mission et le transfert du dossier.

Toutefois, le client peut être tenu de respecter un délai de préavis entre la date de notification de la résiliation au prédécesseur et la date effective de la résiliation.

Avant d’informer votre prédécesseur de la date à laquelle vous prendrez en charge les missions, vous devez donc vous en assurer. À cet égard, vous devez demander au client de vérifier les engagements qu’il a pris dans la lettre de mission qu’il a conclue avec le prédécesseur (délai de préavis ou indemnité de rupture, le cas échéant).

Si vous avez le moindre doute à cet égard, nous vous conseillons, d’un point de vue juridique[8], de fixer la date de début de vos prestations qu’après que le client vous ait communiqué la date de fin de la mission de votre prédécesseur.

S’agissant de tout délai de préavis imposé dans la lettre de mission au client souhaitant résilier le contrat, nous rappelons que, d’un point de vue déontologique, il ne peut pas avoir une durée déraisonnable[9].

2. Le client souhaite mettre fin immédiatement à la mission

Dans certains cas, le client souhait mettre fin immédiatement à la mission, par exemple parce qu’il reproche à votre prédécesseur certains manquements et veut ainsi justifier la résiliation du contrat au détriment de ce dernier. Dans ce cas, vous devez faire preuve de la retenue et de la neutralité nécessaire et ne pas devenir le messager du client concernant ses réclamations auprès de votre prédécesseur.

Dans de tels cas de discussion, vous pouvez néanmoins indiquer votre succession au prédécesseur et demander le dossier, à condition que le client vous y ait expressément mandaté. Après tout, ce dernier doit être conscient à l’avance des éventuels risques juridiques liés à la résiliation immédiate du contrat (qu’ils soient justifiés ou non). La notification de votre succession ne doit pas mettre le client devant le fait accompli dans cette évaluation.

Conclusion

Aucune procuration spéciale ne doit être présentée si, lors de la demande des documents, vous indiquez que vous succéderez à votre confrère sur la base d’une lettre de mission conclue.

La prise en charge de la mission conformément aux souhaits du client doit se faire de manière harmonieuse et confraternelle, de sorte que, tant le prédécesseur que le successeur doivent faire preuve d’un minimum de bonne volonté, ce que nous vous encourageons à faire. Nous concluons cette information en vous rappelant que la rétention de documents de clients constitue une violation de la déontologie et fera donc l’objet de mesures disciplinaires.


[1] A cet égard, il peut également être fait référence à l'article similaire 11 § 3 du Code de déontologie de l'Institut Professionnel des Comptables et Fiscalistes agréés, tel qu'approuvé par l'AR du 10 octobre 2013 et tel que révisé par l'AR royal du 18 juillet 2017 et l'AR du 14 janvier 2021.

[2] Article 23, alinéa 2 de l'A.R. du 1er mars 1998 fixant les règles de déontologie des experts-comptables.

[3] Le sixième principe des directives sur les relations professionnelles entre les membres de l'IRE, de l'IEC et de l'IPCF stipule qu'en cas de transfert de dossiers entre confrères, tous les documents, quel que soit leur support, appartenant au client, ainsi que ceux relevant de l'assistance confraternelle et de la courtoisie, doivent être mis à la disposition du successeur.

[4] L'article 43 de la loi du 17 mars 2019 oblige le professionnel à transférer sans délai les documents du client.

[5] Voir Conseil d'Etat du 9 juillet 2002, arrêt n°108.981 sur le principe du maintien d'un Arrêté royal malgré la promulgation d'une nouvelle loi.

[6] Article 23, troisième alinéa, de l'AR du 1er mars 1998 fixant le Code de déontologie des experts-comptables. Article 17, troisième alinéa, du Code de déontologie de l'Institut Professionnel des Comptables et Fiscalistes agréés, tel qu'approuvé par l'AR du 10 octobre 2013 et tel que révisé par l'AR du 18 juillet 2017 et l'AR du 14 janvier 2021.

[7] Article 23, premier alinéa, de l'AR du 1er mars 1998 fixant le Code de déontologie des experts-comptables. Article 17, troisième alinéa, du Code de déontologie de l'Institut Professionnel des Comptables et Fiscalistes agréés, tel qu'approuvé par l'AR du 10 octobre 2013 et tel que révisé par l'AR du 18 juillet 2017 et l'AR du 14 janvier 2021.

[8]   Selon l'art. 1997 du Code civil, le mandataire doit avoir une connaissance suffisante des intentions de son mandant.

[9] Article 11 § 3 du Code de déontologie de l'Institut Professionnel des Comptables et Fiscalistes agréés, tel qu'approuvé par l'AR du 10 octobre 2013 et tel que révisé par l'AR royal du 18 juillet 2017 et l'AR du 14 janvier 2021. La Commission d’appel a déjà estimé qu’en stipulant un délai de préavis de 6 ou 12 mois dans les conditions générales, le membre avait failli à son devoir de dignité et d’honnêteté.

Publié le

Par auteur(s)

Charles Bayart
Koen Hens

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